Afin de mieux analyser les différentes offres, il faut bien comprendre la diversité des procédés de télédétection, car une même source de données peut aboutir à différents résultats.
TÉLÉDÉTECTION PAR SATELLITE
L’usage de satellites comme outil de télédétection pour l’observation des surfaces terrestres n’est pas nouveau.En effet, dès 1972, la NASA lançait Landsat 1. Aujourd’hui, la NASA exploite Landsat 8, et plus de 300 autres satellites sont en orbite autour de la terre, dont presque la moitié à imagerie optique.
Alors, comment ça marche ?
Les satellites optiques enregistrent les images à partir du rayonnement solaire réfléchi par la terre. En fonction des détecteurs et de la technologie qu’ils utilisent, les satellites fournissent des informations différentes.
Si l’utilisation des données satellite ne nécessite pas de maîtriser parfaitement la technologie, connaître quelques principes de base permet de mieux comprendre comment elle peut répondre aux besoins de l’industrie agroalimentaire.

PIXELS ET RÉSOLUTION
Connaître et comprendre les différents types de résolution est un préalable indispensable pour pouvoir évaluer le potentiel de l’imagerie satellite.
Par souci de simplification, il est courant de ramener la qualité de l’imagerie à sa résolution : haute, moyenne ou basse. Mais ce raccourci crée de la confusion et des idées fausses qui s’appuient sur les notions de photographie que nous possédons tous, et selon lesquelles la résolution se définit simplement par le nombre de pixels d’une image. Or, ce dont on parle le plus souvent en imagerie satellite, c’est de la résolution spatiale.
Il est important de faire la distinction entre la taille en pixels et la résolution spatiale, car elles sont souvent confondues, alors que différentes.
Comme toute image numérique, l’imagerie satellite est aussi constituée de pixels. L’acquisition est réalisée grâce au processus d’échantillonnage de la lumière solaire réfléchie par la surface et l’atmosphère, et par l’enregistrement de mesures dans une matrice de pixels afin de former une grille. La distance d’échantillonnage au sol (GSD, ground sampling distance) fait référence à la distance entre les pixels au sein de la grille définie.
Toutefois, s’agissant de résolution, les fournisseurs de données satellite font souvent référence à la résolution spatiale, qui se rapporte au plus petit objet identifiable au sol. Elle varie en fonction de la position du détecteur par rapport à la cible, des diffractions atmosphériques et d’autres facteurs. Cela signifie que la résolution spatiale, et donc la qualité des informations fournies, varie du centre au bord de l’image.
A titre d’exemple : la GSD des images MODIS est de 250 mètres. Chaque pixel correspond donc à une surface de 250 x 250 mètres, soit 6,25 hectares. La résolution spatiale de MODIS au NADIR (pointage juste en-dessous du satellite) est de 250 mètres, mais en périphérie, elle peut être de plus de 500 mètres à l’intérieur même du pixel de 250 x 250 mètres.
Il en va de même pour les satellites de plus grande résolution, d’autant plus si l’angle de vue du détecteur est grand en périphérie. Par exemple, les satellites RapidEye peuvent dépointer jusqu’à 20° afin d’observer des surfaces encore plus éloignées de leur trajectoire directe, ce qui impacte la résolution spatiale (de 6,5 mètres au nadir).
Si la résolution spatiale est importante, la résolution temporelle est tout aussi cruciale mais souvent mal interprétée.

RESOLUTION SPACIALE

Le principal intérêt du satellite d’observation de la terre réside dans sa capacité à enregistrer une séquence d’images dans le temps. Le temps écoulé entre chaque enregistrement d’image, ou fréquence de revisite, correspond à la résolution temporelle. Plus ces intervalles sont rapprochés, plus la résolution temporelle est élevée, et meilleure est la capacité de surveillance.
Cependant, la fréquence de revisite ne suffit pas à définir la résolution temporelle, car elle ne reflète que le potentiel d’acquisitions en imagerie. Les données doivent véritablement être acquises et téléchargées au segment sol – cette dernière condition différencie l’acquisition systématique de la mission d’acquisition. De nombreux prestataires revendiquent une fréquence de revisite quotidienne alors qu’ils ne font pas d’acquisition systématique des données. Au contraire, ils définissent leurs missions d’acquisition de la façon suivante :
1. En choisissant l’endroit où acquérir les images et en pointant le détecteur sur une cible précise, ou
2. En limitant la quantité de pixels acquis à leur capacité de téléchargement.
Il est donc impossible d’acquérir quotidiennement des informations partout et de fournir la même prestation à tous les clients.
Dans le domaine agricole, une surveillance exacte suppose une acquisition d’image quotidienne, soit une haute résolution temporelle. Cela permet de garantir un nombre suffisant d’images sans nuages. Si les images ont une faible résolution temporelle, avec un intervalle de cinq jours par exemple, le risque de carence d’information devient plus élevé, sachant qu’en cas de couverture nuageuse, ce déficit d’information pourrait atteindre dix jours (en partant du principe que le ciel serait nuageux 50% du temps). L’autre solution consiste à effectuer une analyse intraparcellaire avec une fréquence de revisite moins importante (hebdomadaire, par exemple), c’est-à-dire avec une basse résolution temporelle.
Suivi des cultures versus analyse intraparcellaire
La différence entre le suivi des cultures et l’analyse intraparcellaire est similaire à celle que l’on peut faire entre regarder un film et des photos. Avec des photos, vous ne pouvez pas raconter une histoire de bout en bout, mais vous avez la possibilité d’observer dans les détails une situation à l’instant T.
Connaître plus précisément les objectifs que vous souhaitez atteindre grâce aux données satellite vous aidera à mieux identifier vos besoins.
Ainsi, la gestion de la plupart des apports d’intrants en application variable peut s’appuyer sur des photos de parcelles. Suivre la tendance de rendement d’une parcelle par rapport aux autres ou en comparaison aux saisons précédentes nécessite ici une vraie surveillance des cultures.

Il devient souvent nécessaire de trouver un compromis entre résolutions spatiale et temporelle (volume de pixels téléchargés au segment sol). Pour l’utilisateur de données de télédétection, comprendre comment les diverses résolutions influent sur les informations fournies est déterminant afin de comparer de façon objective les offres proposées sur la base de ses propres besoins.
Parmi les diverses constellations de satellites d’observation optique de la terre actuellement disponibles, aucune n’est en mesure de fournir une vraie surveillance globale. Face à ce constat, le recours à plusieurs constellations est indispensable pour délivrer un service cohérent à l’ensemble des clients.
Imagerie multispectrale ou hyperspectrale ?
La différence entre imagerie hyperspectrale et multispectrale réside dans le nombre et dans la largeur des bandes spectrales utilisées.
Le détecteur hyperspectral utilise des centaines de bandes spectrales qui donnent davantage de détails sur les caractéristiques des plantes, mais cela nécessite un important travail d’étalonnage. La capacité à détecter ou à répéter la détection des phénomènes est alors limitée. Peu de satellites utilisent ce type de détecteur, et la plupart ont une fauchée étroite, ce qui limite énormément la fréquence et la capacité d’acquisition d’images. Il en va de même pour les drones utilisant des détecteurs hyperspectraux.
Le détecteur multispectral, lui, présente de 3 à 20 bandes étroites. Pour comparer les deux en termes de représentation graphique, l’hyperspectral donnera un graphique linéaire et le multispectral, un diagramme en bâtons. Les détecteurs multispectraux donnent des informations très précieuses pour le suivi de la santé des cultures. Compte tenu du volume d’informations transmises par les nombreux satellites qui utilisent des détecteurs multispectraux, la fréquence, la fauchée et la capacité d’acquisition d’images sont bien plus nombreuses et plus fiables.
LE SPECTRE
Les radiomètres embarqués sur les satellites mesurent les longueurs d’onde du rayonnement électromagnétique renvoyé par des cibles terrestres à partir du spectre électromagnétique ; c’est ce qu’on appelle la réponse spectrale. Les objets ont des signatures spectrales différentes, ce qui permet de savoir précisément ce que l’on observe.

Chaque satellite a son propre jeu de bandes spectrales, correspondant aux domaines de longueur d’onde (bleu, vert ou rouge) utilisés pour mesurer la réponse spectrale. Il est important de noter que les domaines de longueur d’onde sont des plages, et que chaque bande est définie spécifiquement pour un satellite, mais varie d’un satellite à l’autre.
Par exemple, la bande du rouge de Landsat 8 se caractérise par des longueurs d’onde de 640 à 670 nanomètres, alors que celle de Sentinel-2A correspond à des longueurs d’onde entre 650 et 679 nanomètres. L’image de droite montre comment deux satellites avec des GSD similaires capturent les données différemment pour une même surface.
Force est de constater que les satellites ne voient pas exactement les mêmes couleurs pour une même surface. Ce qui signifie que pour pouvoir effectuer un suivi et une analyse cohérente, il faut réaliser un inter étalonnage précis des données collectées à partir de plusieurs sources.

RapidEye (GSD 6.5 m rééchantillonné à 5 m)

Sentinel 2A (GSD 10 m rééchantillonné à 5 m)
DE LA LONGUEUR D’ONDE À LA SANTÉ DES CULTURES
Les longueurs d’onde et l’intensité de la réponse spectrale donnent les informations nécessaires au calcul des indices de végétation. Ces derniers renseignent sur la densité relative et la santé de la végétation pour chacun des pixels de l’image satellite. Ces 20 dernières années, les publications scientifiques nous ont fourni un large éventail d’indices de végétation.
Le principal indice de suivi des cultures est l’indice de végétation par différence normalisée (Normalized Difference Vegetation Index – NDVI) publié en 1979. Grâce à sa fiabilité et au nombre limité de bandes d’entrée requises, cet indice peut être calculé à partir des données acquises par tous, ou presque, les satellites optiques, ce qui permet un étalonnage croisé et des comparaisons entre satellites et sites.
L’indice NDVI est à la fois sensible à la biomasse et à l’activité chlorophyllienne. Il varie sur une plage de données de -1 à +1. Plus le couvert végétal est développé et en bonne santé, plus de NDVI est élevé, le NIR étant alors fort et le RED faible. Si la végétation est par contre morte ou que les données ont été enregistrées sur un sol nu, le NIR sera plus faible et le RED plus fort ce qui diminuera l’écart NIR-RED et le NDVI correspondant.

Ces images montrent comment les données NDVI sont visuellement affichées dans une parcelle. Notez la variation entre les deux ensembles de données – issues de la même parcelle et collectées le même jour – en raison des différentes résolutions spatiales.
Les plantes ont besoin de l’énergie solaire optique pour croître – phénomène de la photosynthèse liée à la chlorophylle. La bande du rouge n’est absorbée que par la chlorophylle, alors que la bande du bleu est absorbée par les autres composants de la feuille, comme les caroténoïdes (de sorte que le bleu est moins corrélé à la chlorophylle). Donc, plus le rouge est absorbé, plus la chlorophylle est active dans les feuilles.
Les cellules végétales, qui sont pleines d’eau, servent de miroir aux infrarouges. Quand la pression osmotique est élevée, la plupart des infrarouges sont réfléchis par la plante. Donc, plus la plante réfléchit d’infrarouges, plus la biomasse est en bonne santé.

Un autre indice, l’EVI (indice de végétation amélioré) a été optimisé afin d’améliorer la description de la variabilité dans le cas de fortes biomasses, et est donc plus révélateur des variations dans la structure du couvert.

Outre les informations nécessaires au calcul du NDVI, certains satellites capturent aussi les données du rayonnement visible à l’infrarouge de courte longueur d’onde (SWIR), renseignant ainsi sur la teneur en eau de la végétation. Ces éléments sont utilisés pour le calcul de l’indice de teneur en eau par différence normalisée (Normalized Difference Water Index – NDWI) et aident à suivre les changements dans la teneur en eau des plantes et les stress hydriques.
Au final, chaque pixel capturé par le satellite fournit une multitude d’informations qui peuvent être utilisées dans une variété de calculs pour fournir des analyses. Plus vous pouvez capturer de pixels sans nuages, plus vous avez d’informations et meilleures sont les données.
LA PUISSANCE DU TRAITEMENT
En termes d’application agricole, l’imagerie satellite sous sa forme brute n’a aucune valeur ajoutée. Les informations enregistrées par les détecteurs du satellite doivent être traitées pour pouvoir ensuite être utilisées dans des analyses comme avec le NDVI.
Un certain nombre de facteurs affectant les images capturées par un seul satellite doivent être corrigés, dont, entre autres :
• L’atmosphère
• La couverture nuageuse
• Les ombres dues à l’obstruction du soleil
• Les variations de résolution spatiale en fonction de l’angle de visée
• Les variations des angles solaires
• Les distorsions topographiques
• L’impact environnemental
Images satellite gratuites
Des images satellite sont disponibles gratuitement sur Internet – alors pourquoi payer un prestataire pour ce service?
Les images satellite fournies gratuitement proposent des données brutes. Grâce à un traitement approprié de ces données, le prestataire leur injecte une réelle valeur ajoutée.
Par exemple, lorsqu’un satellite RapidEye dépointe sur un objet observé à 20°, l’épaisseur de l’atmosphère change et agit sur le passage de la lumière réfléchie. Cela a un impact sur le signal mesuré. On observe un phénomène similaire lors d’un coucher de soleil : le soleil paraît plus grand et plus rouge lorsqu’il se couche qu’à midi.
Ce point est très important, les mesures de réflectance doivent ainsi être corrigées par rapport aux conditions d’acquisition afin de pouvoir comparer une même parcelle sur une période de temps donnée, ou plusieurs parcelles voisines entre elles, et détecter les changements dans la santé des cultures.
Si certaines de ces distorsions peuvent être supprimées automatiquement à l’aide d’algorithmes et de métadonnées appropriés, d’autres demandent plus de travail. C’est ce qui fait la différence entre une jolie carte colorée et des données concrètes auxquelles l’utilisateur peut se fier.
Plus de satellites = plus de pixels = de meilleures données
Chaque satellite donne accès à un ensemble de données unique via les pixels qu’il collecte. Plus on utilise de satellites, plus on dispose d’informations. Plus on a d’informations, plus on a de connaissances sur les données produites, et meilleures sont les données.
Le recours à l’inter étalonnage des informations collectées par les différents satellites et la mise en oeuvre d’une chaîne de traitement robuste sont les conditions indispensables à l’obtention de données fiables. A défaut et par analogie, cela reviendrait à vouloir comparer des oranges à des pommes. Même si vous analysez des centaines de milliers d’hectares, chaque pixel influe sur la nature des données finales que vous obtenez.
CONCLUSION :
Les fournisseurs d’imagerie étant de plus en plus nombreux sur le marché de l’agriculture, il est crucial de comprendre les bases de la technologie. Nous voulons fournir aux acteurs de l’industrie agroalimentaire les moyens d’évaluer objectivement les différents services qui leur sont proposés et de les apprécier au regard de leurs besoins spécifiques.
Définir le besoin entre surveillance des cultures et optimisation de l’analyse – ou choisir les deux – est une première étape essentielle qui permet d’évaluer les points-clés suivants :
- Taille en pixels et fréquence de revisite ne permettent pas d’obtenir une représentation adéquate des résolutions en imagerie satellite — des descriptions simplistes comme basse/moyenne/haute résolution ou revisite quotidienne sont trop vagues. Posez des questions pour comprendre plus précisément les résolutions spatiale et temporelle proposées.
- Plus un prestataire dispose de satellites, plus il aura de pixels, ce qui signifie de meilleures données. Demandez combien de satellites sont disponibles et comment ils sont utilisés pour mieux appréhender la qualité et la quantité des données qu’ils peuvent fournir.
- La capacité de traitement est un facteur déterminant, et dans ce domaine, l’expérience compte. Demandez au prestataire comment il va traiter les images pour vous donner le meilleur résultat possible.
En prenant des décisions plus avisées, vous serez mieux à même de réaliser vos objectifs à long terme.